L'épreuve de 2000

Liste des extraits

TEXTE N° 1

MÉNIPPE. Les premiers regards que je jetai sur la vie humaine m'ayant fait voir que tout ici-bas est ridicule, misérable, sans consistance, je veux dire les richesses, les dignités, le pouvoir, le mépris que m'inspirèrent ces objets, dont je considérais la recherche comme un obstacle à l'étude de ceux qui sont vraiment dignes de nos soins, me fit diriger les yeux vers la contemplation de l'univers. Mais d'abord, je tombai dans un grand embarras, quand je considérai ce que les philosophes appellent le monde : je ne pouvais découvrir comment il avait été formé, quel en était l'ouvrier, le principe, la fin. Puis, en l'examinant en détail, mon doute ne faisait que redoubler. Lorsque je voyais les astres semés au hasard dans le ciel, et le soleil lui-même, je désirais vivement savoir à quoi m'en tenir sur leur nature. Les phénomènes que présente la lune me paraissaient encore plus singuliers et tout à fait étranges ; la diversité de ses phases me paraissait provenir d'une cause inexplicable. Enfin, la rapidité de l'éclair sillonnant la nue, le roulement du tonnerre, la chute de la pluie, de la neige, de la grêle, tout cela me semblait inaccessible à la conjecture et à la démonstration.

Dans cette disposition d'esprit, je crus que le meilleur parti était de m'adresser aux philosophes, pour éclaircir tous mes doutes. Je m'imaginais qu'ils pourraient me dire à cet égard toute la vérité.

[...]

Mais où je vois éclater leur ignorance et leur sotte vanité, c'est qu'au lieu de ne parler que par conjecture de ces phénomènes difficiles à comprendre, ils soutiennent leur avis avec emportement et ne laissent personne essayer de faire prévaloir le sien. Peu s'en faut qu'ils ne jurent que le soleil est une boule de fer rouge (1), qu'il y a des habitants dans la lune, que les étoiles s'abreuvent de vapeurs tirées de la mer par le soleil, comme par une corde à puits, et distribuées également à chacune d'elles.

[...]

À bout de moyens, et ne sachant de qui apprendre ici-bas la vérité sur ces matières, j'étais réduit au désespoir, lorsque je m'avisai que la seule issue offerte à mes doutes, c'était de m'attacher des ailes et de voler moi-même au ciel. Le désir que j'en avais me fit espérer de réussir. Le fabuliste Ésope nous montre bien le ciel praticable à des aigles, à des escarbot (2), voire même à des chameaux ! Mais comme il me paraissait de toute impossibilité qu'il me poussât jamais des ailes, je crus qu'en m'ajustant celles d'un vautour ou d'un aigle, les seules proportionnées à la grosseur du corps humain, je pourrais peut-être mener à bien mon entreprise. Je prends donc ces deux oiseaux, je coupe avec le plus grand soin l'aile droite de l'aigle et l'aile gauche du vautour, je les attache à mes épaules avec de fortes courroies, puis ajoutant à leurs extrémités deux espèces de poignées pour les tenir dans mes mains, je m'essaye à voler. D'abord je ne fais que sauter en m'aidant des mains, et, comme les oies, je vole terre à terre, en marchant sur la pointe des pieds et en étendant les ailes ; puis, voyant que la chose me réussissait, je tente une épreuve plus hardie, je monte sur la citadelle, je me jette en bas et vole jusqu'au théâtre.

Comme j'avais fait ce trajet sans danger, je résolus d'élever mon vol dans les hautes régions du ciel. Je m'élance du Parnèthe ou de l'Hymette jusqu'au Géranée, de là je plane jusqu'à la citadelle de Corinthe ; et, passant par-dessus les monts de Pholoé et l'Érymanthe, j'arrive au Taygète. L'exercice augmentant ma hardiesse, je devins bientôt passé maître en fait de vol, et je résolus de m'élancer plus haut que les simples oiseaux. Je monte sur l'Olympe, et, après avoir pris une provision de vivres la plus légère possible, je m'élance droit au ciel. L'abîme me donna d'abord le vertige ; mais bientôt tout alla pour le mieux. Arrivé à la lune, après avoir traversé un grand nombre de nuages, j'éprouvai un peu de fatigue, surtout dans l'aile gauche, celle du vautour ; je fis donc un temps d'arrêt à cet astre, et, m'y asseyant pour prendre quelque repos, je jetai d'en haut mes regards sur la terre.

[...]

L'AMI. Heureux Ménippe ! Quel merveilleux coup d'œil ! Mais, au nom de Jupiter, les villes et les hommes, que te semblaient-ils de cette hauteur ?

MÉNIPPE. Je pense que tu as vu quelquefois une agora de fourmis : les unes décrivent un cercle, les autres sortent, d'autres rentrent à la ville ; celle-ci emporte un brin de fumier, celle-là court en tirant une cosse de fève ou un grain de blé. On peut dire qu'il y a chez elles, proportion gardée, des architectes, des démagogues, des prytanes (3), des artistes et des philosophes. Eh bien, les villes habitées par les hommes me parurent ressembler complètement à des fourmilières. Si cette comparaison des hommes avec la république des fourmis te paraît trop basse, songe aux anciennes légendes des Thessaliens, et tu verras que les Myrmidons, cette nation belliqueuse, doit son origine à des fourmis changées en hommes. Cependant, après avoir suffisamment considéré tous ces objets, et ri de bon cœur, je battis des ailes et je pris mon vol

Vers le séjour des dieux, du maître de l'égide (4).

Je n'avais pas encore volé la hauteur d'un stade, quand la Lune, d'une voix féminine, m'adressant la parole : « Ménippe, me dit-elle, bon voyage ! Rends-moi donc service auprès de Jupiter ! – Volontiers, lui dis-je ; cela ne sera pas lourd, s'il n'y a rien à porter. – La commission, reprit-elle, n'est pas difficile ; c'est une simple requête à présenter à Jupiter de ma part. Je suis excédée, Ménippe, de toutes les extravagances que j'entends les philosophes débiter sur mon compte. Ils n'ont d'autre occupation que de se mêler de mes affaires, quelle je suis, quelle est ma grandeur, pourquoi je suis tantôt coupée en deux et tantôt à demi pleine. Les uns prétendent que je suis habitée, les autres que, semblable à un miroir, je suis suspendue au-dessus de la mer. Ceux-ci m'attribuent tout ce qui leur passe par la tête. Ceux-là vont jusqu'à dire que ma lumière est voilée et bâtarde, qu'elle me vient par en haut du soleil, et ils ne cessent pas de me mettre en désunion avec lui, qui est mon frère, et d'essayer à nous brouiller. Ce n'était pas assez pour eux de parler du soleil comme ils le font, en disant que c'est une pierre, une boule de fer rouge. »

Lucien de Samosate, Icaroménippe (ou le voyage au-dessus des nuages).

(1) Doctrine d'Anaxagoras.

(2) Insecte coléoptère.

(3) Prytane : principal magistrat d'une cité.

(4) Zeus armé de la foudre.

TEXTE N° 2

Ces Gens de la Lune, on ne les connoîtra jamais, cela est désesperant. Si je vous répondois sérieusement, repliquai-je, qu'on ne sçait ce qui arrivera, vous vous moqueriés de moi, et je le meriterois sans doute. Cependant je me défendrois assés bien, si je voulois. J'ai une pensée très-ridicule, qui a un air de vrai-semblance qui me surprend ; je ne sçais où elle peut l'avoir pris, étant aussi impertinente qu'elle est. Je gage que je vais vous réduire à avouer contre toute raison, qu'il pourra y avoir un Jour du commerce entre la Terre et la Lune. Remettés-vous, dans l'esprit l'état où étoi l'Amérique avant qu'elle eût été découverte par Christophle Colomb. Ses Habitans vivoient dans une ignorance extrême. Loin de connoître les Sciences, ils ne connoissoient pas les Arts les plus simples et les plus nécessaires. Ils alloient nuds, ils n'avoient point d'autres armes que l'Arc, ils n'avoient jamais conçû que des hommes pussent être portés par des animaux ; ils regardoient la Mer comme un grand espace défendu aux hommes, qui se joignoit au Ciel, et au de-là duquel il n'y avoit rien.

[...]

Cependant voilà un beau jour le Spectacle du monde le plus étrange et le moins attendu qui se présente à eux. De grands Corps énormes qui paroissent avoir des ailes blanches, qui volent sur la Mer, qui vomissent du feu de toutes parts, et qui viennent jetter sur le rivage des Gens inconnus, tout écaillés de fer, disposant comme ils veulent de Monstres qui courent sous eux, et tenant en leur main des Foudres dont ils terrassent tout ce qui leur résiste. D'où sont-ils venus ? Qui a pû les amener par-dessus les Mers ? Qui a mis le feu en leur disposition ? Sont-ce les Enfans du Soleil ? car assurément ce ne sont pas des Hommes. Je ne sçai, Madame, si vous entrés comme moi dans la surprise des Amériquains ; mais jamais il ne peut y en avoir eu une pareille dans le monde. Après cela je ne veux plus jurer qu'il ne puisse y avoir commerce quelque jour entre la Lune et la Terre. Les Amériquains eussent-ils crû qu'il eût dû y en avoir entre l'Amérique et l'Europe qu'ils ne connoissoient seulement pas ? Il est vrai qu'il faudra traverser ce grand espace d'Air et de Ciel qui est entre la Terre et la Lune ; mais ces grandes Mers paroissoient-elles aux Amériquains plus propres à être traversées ? En vérité, dit la Marquise, en me regardant, vous êtes fou. Qui vous dit le contraire, répondis-je ? Mais je veux vous le prouver, reprit-elle, je ne me contente pas de l'aveu que vous en faites. Les Amériquains étoient si ignorans, qu'ils n'avoient garde de soupçonner qu'on pût se faire des chemins au travers des Mers si vastes ; mais nous qui avont tant de connoissances, nous nous figurerions bien qu'on pût aller par les Airs, si l'on pouvoit effectivement y aller. On fait plus que se figurer la chose possible, repliquai-je, on commence déja à voler un peu ; plusieurs personnes différentes ont trouvé le secret de s'ajuster des ailes qui les soutinssent en l'air, de leur donner du mouvement, et de passer par-dessus des Rivieres. À la vérité, ce n'a pas été un vol d'Aigle, et il en a quelquefois coûté à ces nouveaux Oiseaux un bras ou une jambe ; mais enfin cela ne représente encore que les premieres planches que l'on a mises sur l'eau, et qui ont été le commencement de la Navigation. De ces planches-là, il y avoit bien loin jusqu'à de gros Navires qui pussent faire le tour du Monde. Cependant peu à peu sont venus les gros Navires. L'art de voler ne fait encore que de naître, il se perfectionnera, et quelque jour on ira jusqu'à la Lune. Prétendons-nous avoir découvert toutes choses, ou les avoir mises à un point qu'on n'y puisse rien ajouter ? Eh de grâce, consentons qu'il y ait encore quelque chose à faire pour les Siécles à venir.

Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes (1686).

TEXTE N° 3

L'assemblée sentit que son président allait aborder le point délicat. Elle redoubla d'attention.

« Depuis quelques mois mes braves collègues, reprit Barbicane (1), je me suis demandé si, tout en restant dans notre spécialité, nous ne pourrions pas entreprendre quelque grande expérience digne du XIXe siècle, et si les progrès de la balistique ne nous permettraient pas de la mener à bonne fin. J'ai donc cherché, travaillé, calculé, et de mes études est résultée cette conviction que nous devons réussir dans une entreprise qui paraîtrait impraticable à tout autre pays. Ce projet, longuement élaboré, va faire l'objet de ma communication ; il est digne de vous, digne du passé du Gun-Club, et il ne pourra manquer de faire du bruit dans le monde

– Beaucoup de bruit ? s'écria un artilleur passionné.

– Beaucoup de bruit dans le vrai sens du mot, répondit Barbicane.

– N'interrompez pas ! répétèrent plusieurs voix.

– Je vous prie donc, braves collègues, reprit le président, de m'accorder toute votre attention. »

Un frémissement courut dans l'assemblée. Barbicane, ayant d'un geste rapide assuré son chapeau sur sa tête, continua son discours d'une voix calme :

« Il n'est aucun de vous, braves collègues, qui n'ai vu la Lune, ou tout au moins, qui n'en ait entendu parler. Ne vous étonnez pas si je viens vous entretenir ici de l'astre des nuits. Il nous est peut-être réservé d'être les Colombs de ce monde inconnu. Comprenez-moi, secondez-moi de tout votre pouvoir, je vous mènerai à sa conquête, et son nom se joindra à ceux des trente-six États qui forment ce grand pays de l'Union !

– Hurrah pour la Lune ! s'écria le Gun-Club d'une seule voix.

– On a beaucoup étudié la Lune, reprit Barbicane ; sa masse, sa densité, son poids, son volume, sa constitution, ses mouvements, sa distance, son rôle dans le monde solaire, sont parfaitement déterminés ; on a dressé des cartes sélénographiques (2) avec une perfection qui égale, si même elle ne surpasse pas, celle des cartes terrestres ; la photographie a donné de notre satellite des épreuves d'une incomparable beauté. En un mot, on sait de la Lune tout ce que les sciences mathématiques, l'astronomie, la géologie, l'optique peuvent en apprendre. [...] Mais il est réservé au génie pratique des Américains de se mettre en rapport avec le monde sidéral. Le moyen d'y parvenir est simple, facile, certain, immanquable, et il va faire l'objet de ma proposition. »

Un brouhaha, une tempête d'exclamations accueillit ces paroles. Il n'était pas un seul des assistants qui ne fût dominé, entraîné, enlevé par les paroles de l'orateur.

« Écoutez ! écoutez ! Silence donc ! » s'écria-t-on de toutes parts.

Lorsque l'agitation fut calmée, Barbicane reprit d'une voix plus grave son discours interrompu :

« Vous savez, dit-il, quels progrès la balistique a faits depuis quelques années et à quel degré de perfection les armes à feu seraient parvenues, si la guerre eût continué. Vous n'ignorez pas non plus que, d'une façon générale, la force de résistance des canons et la puissance expansive de la poudre sont illimitées. Eh bien ! partant de ce principe, je me suis demandé si, au moyen d'un appareil suffisant, établi dans des conditions de résistance déterminées, il ne serait pas possible d'envoyer un boulet dans la Lune. »

À ces paroles, un « oh ! » de stupéfaction s'échappa de mille poitrines haletantes ; puis il se fit un moment de silence, semblable à ce calme profond qui précède les coups de tonnerre. Et, en effet, le tonnerre éclata, mais un tonnerre d'applaudissements, de cris, de clameurs, qui fit trembler la salle des séances. Le président voulait parler ; il ne le pouvait pas. Ce ne fut qu'au bout de dix minutes qu'il parvint à se faire entendre.

« Laissez-moi achever, reprit-il froidement. J'ai pris la question sous toutes ses faces, je l'ai abordée résolument, et de mes calculs indiscutables il résulte que tout projectile doué d'une vitesse initiale de douze mille yards (3) par seconde, et dirigé vers la Lune, arrivera nécessairement jusqu'à elle. J'ai donc l'honneur de vous proposer, mes braves collègues, de tenter cette petite expérience ! ».

[Mais ce projet va bientôt prendre une nouvelle dimension.]

Les grands travaux entrepris par le Gun-Club étaient, pour ainsi dire, terminés, et cependant, deux mois allaient encore s'écouler avant le jour où le projectile s'élancerait vers la Lune. Deux mois qui devaient paraître longs comme des années à l'impatience universelle ! Jusqu'alors les moindres détails de l'opération avaient été chaque jour reproduits par les journaux, que l'on dévorait d'un œil avide et passionné ; mais il était à craindre que désormais, ce « dividende d'intérêt » distribué au public ne fût fort diminué, et chacun s'effrayait de n'avoir plus à toucher sa part d'émotions quotidiennes.

Il n'en fut rien ; l'incident le plus inattendu, le plus extraordinaire, le plus incroyable, le plus invraisemblable vint fanatiser à nouveau les esprits haletants et rejeter le monde entier sous le coup d'une poignante surexcitation.

Un jour, le 30 septembre, à trois heures quarante-sept minutes du soir, un télégramme, transmis par le câble immergé entre Valentia (Irlande), Terre-Neuve et la côte américaine, arriva à l'adresse du président Barbicane.

Le président Barbicane rompit l'enveloppe, lut la dépêche, et, quel que fût son pouvoir sur lui-même, ses lèvres pâlirent, ses yeux se troublèrent à la lecture des vingt mots de ce télégramme.

Voici le texte de cette dépêche, qui figure maintenant aux archives du Gun-Club :

FRANCE, PARIS.

30 septembre, 4 h matin.

Barbicane, Tampa, Floride, États-Unis.

Remplacez obus sphérique par projectile cylindro-conique. Partirai dedans. Arriverai par steamer Atlanta.

MICHEL ARDAN.

Jules Verne, De la terre à la lune (1865).

(1) Le président d'un club d'anciens artilleurs de la guerre de Sécession.

(2) De selènè, mot grec qui signifie Lune.

(3) Environ 11000 mètres.

TEXTE N° 4

Au début du troisième millénaire, l'Union soviétique, les États-Unis et l'Europe, ainsi peut-être que le Japon, seront donc installés à demeure dans l'espace. Quels seront les objectifs à long terme de ce qui apparaît de plus en plus comme une expansion irréversible de l'humanité dans le cosmos ? Le plus important sera la mise en exploitation des richesses de l'espace et l'industrialisation de celui-ci.

Quelles sont ces richesses ? La première est l'absence de pesanteur, ou plus précisément la microgravité déjà évoquée. Son utilisation au bénéfice de l'électronique, de la pharmacie, de la métallurgie pourrait conduire très vite à l'apparition d'ateliers ou de petites usines cosmiques. Mais l'espace ne manque pas d'autres ressources. L'énergie y abonde : chaque mètre carré de surface exposée aux rayons solaires reçoit un flux de 1400 W... Cette énergie peut servir à alimenter les usines spatiales, ou bien être recueillie et envoyée sur la Terre !

Lorsque l'industrialisation de l'espace se développera il sera tout à fait rationnel d'installer sur la Lune des mines, des usines de traitement des minerais sélènes et des installations de lancement pour envoyer les matières premières obtenues vers les centres industriels spatiaux...

L'oxygène sera sans doute l'une des premières substances extraites de la Lune : elle se trouve en abondance dans les roches lunaires sous forme d'oxydes métalliques ; une fois liquéfiée, elle pourra servir de propergols pour tous les véhicules de transport spatial évoluant dans le système Terre-Lune.

[...]

Apparemment, un large fossé sépare encore les stations spatiales de la fin du siècle, avec leurs équipages qui ne dépasseront pas quelques dizaines de personnes, des grands projets d'industrialisation du cosmos, avec des mines sur la Lune et certains astéroïdes, des centrales solaires spatiales, et qui sait même, le déplacement en orbite des industries les plus polluantes, dans le but du purifier la biosphère terrestre...

En fait cependant, l'installation de quelques hommes à bord des premières stations spatiales permanentes est vraiment le point de départ de la colonisation du système solaire. Les stations orbitales peuvent en effet grossir presque indéfiniment par adjonction de modules, se multiplier, se déplacer à des distances de plus en plus grandes de la Terre, devenir les chantiers d'assemblage des vaisseaux d'exploration de la Lune et des planètes, puis les ports d'où partent et où reviennent les expéditions lointaines, scientifiques d'abord, commerciales ensuite.

En 1985 le président Ronald Reagan a demandé à un groupe d'experts de la Commission nationale de l'espace d'imaginer pour les États-Unis un plan spatial ambitieux à l'horizon des 50 années à venir. Le calendrier envisagé par ce groupe donne une idée de la vitesse avec laquelle pourrait se propager l'occupation du système solaire par l'homme. 2005, retour sur la Lune ; 2015, installation d'une base permanente et d'un centre industriel lunaire ; 2017, débarquement d'astronautes sur Mars ; 2035, établissement d'une colonie martienne ... Avec l'avènement des stations spatiales permanentes, la colonisation du cosmos commence. Elle sera la grande affaire des siècles prochains. L'homme n'est plus seulement une créature terrestre. Il est déjà un habitant du système solaire.

Alain Dupas, La saga de l'espace (1992).