En 2004, la moyenne générale de l’épreuve de synthèse de textes a été de 7,8. Elle est très légèrement inférieure à celle de l’an dernier, ce qui s’explique par l’augmentation du nombre de candidats et non par une baisse de niveau. En effet, on constate une meilleure prise en compte de l’une des exigences fondamentales de l’épreuve : la nécessité de référer nommément à son auteur chaque point de vue retranscrit. En revanche, on observe une difficulté croissante à lire les textes avec exactitude et à les restituer avec netteté. Il apparaît donc indispensable que les candidats aux concours d’entrée à l’Ecole navale s’entraînent régulièrement à analyser des textes proposant une réflexion de bon niveau sur des problèmes d’actualité et à transmettre les fruits de cette analyse avec le maximum de clarté et de rigueur.
Cependant, avant de commenter ces qualités de compréhension et de rédaction, il est important de signaler qu’un nombre important de candidats commettent encore une grossière erreur de méthode très préjudiciable à la valeur de leur copie. Proposer une synthèse structurée, c’est confronter dans leurs détails des textes qui traitent d’un même sujet. Il ne s’agit en aucun cas de résumer l’un après l’autre les quatre textes, en laissant au lecteur le soin de dégager lui même ce qui les oppose et les rapproche. L’idéal est de confronter, dans chaque paragraphe, le point de vue des quatre auteurs autour d’un point fort du débat. Cela exige qu’au brouillon, le candidat, après avoir lu les textes, procède à une analyse précise des idées de chaque auteur, puis qu’il les fasse jouer avec celles des autres en dégageant divergences et convergences. D’autre part, les textes proposés sont toujours riches. C’est pourquoi, il est dangereux de simplifier l’exercice, comme ce fut souvent le cas cette année, en regroupant deux points de vue dans une première partie, les deux autres dans la partie suivante. Certes, les convergences et divergences dégagées étaient claires, mais la synthèse en était considérablement appauvrie. Quantité de rapprochements possibles, inscrits dans les nuances des textes, disparaissaient. Il s’agit donc de lier la finesse des lectures à la clarté des rapprochements.
Mais finesse et clarté de la pensée, pour se manifester, requièrent des qualités de forme correspondantes. La médiocrité d’un grand nombre de copies est due aux défauts d’imprécision, de confusion et d’obscurité qu’elles recèlent.
L’imprécision est un défaut de la pensée. Celle ci se maintient dans le général et l’abstraction alors que le texte, dont on doit rendre compte, traite le sujet de façon concrète et précise. Michel Serres, l’un des quatre auteurs de la synthèse 2004, n’évoquait pas, les problèmes « dramatiques » de notre monde – formule totalement vague –, mais ses problèmes « climatiques », fondant sa réflexion sur le temps qui passe et le temps qu’il fait. En restant ainsi dans le général, les candidats sont conduits à des amalgames spécieux, car, si on ne précise pas les perspectives, il est facile de rapprocher sans distinction des auteurs qui, tous, réfléchissent à quelque problème ! Il faut conserver à chaque point de vue son originalité foncière.
La confusion est, elle aussi un défaut de la pensée : celle ci échappe à la rigueur logique qui lui confère sa netteté. Il faut, en effet, pour qu’une synthèse soit claire, que tous les enchaînements, des idées et des paragraphes répondent à une logique évidente. A l’intérieur de chaque partie, déterminée par un paragraphe bien visible, l’axe directeur doit se dégager parfaitement, les idées exprimées étant cohérentes entre elles. Or, dans trop de copies, certaines parties relèvent d’un objet indéfinissable. Elles traitent de tout : de la nature du problème débattu, de ses causes, de ses solutions... Le lecteur perd le fil de la démonstration et le candidat s’expose à des redites. Entre paragraphes aussi, les liens logiques doivent souligner la rigueur de la construction logique : « d’abord, ensuite, enfin » sont d’une efficacité bien pauvre ! Le mieux est la transition brève, du style : « ces constats opérés, des solutions s’imposent. ». Le jury a admis plusieurs types de plan, mais, dans la mesure où les auteurs proposaient tous des remèdes à une situation jugée inquiétante, il fallait qu’auparavant, soient clairement et précisément défini les problèmes envisagés. La fermeté logique d’une pensée qui se garde de toute confusion est la vertu première d’une communication réussie.
L’obscurité tient aux imperfections de la langue qui ne permettent pas de saisir rapidement et parfaitement le sens de la pensée exprimée : termes impropres – la vie intérieure d’un individu n’a rien à voir avec le fait de vivre à l’intérieur des murs de sa maison –, abondantes ruptures de construction, ou phrases démesurées qui cherchent à regrouper en une seule fois toutes les nuances d’une pensée. Mais les fautes d’orthographes gênent aussi la lecture : l’absence d’accords, les confusions pronominales ( « c’est » pour « s’est » ), les désinences verbales erronées (confusion entre « finit », passé simple, et « fini », participe passé), les graphies phonétiques (« qu’en » pour « quand », « encrée » pour « ancrée », « contenu » pour « compte-tenu »... ) Est il nécessaire de rappeler que de telles négligences sont lourdement sanctionnées ?
Ces qualités de précision, de clarté et de rigueur doivent se manifester dès l’introduction qui les met particulièrement en valeur. Nous redonnons les consignes d’une introduction efficace. Elle doit être brève. Beaucoup de candidats perdent absurdement un nombre considérable de mots dans cette partie du devoir, alors qu’il suffit d’y poser l’enjeu du débat après avoir nommé les autres acteurs. Il n’est pas nécessaire d’indiquer les titres des ouvrages, de préciser ce qui entraîne souvent de curieuses fantaisies, le statut des auteurs. Il est déconseillé également d’annoncer son plan puisque celui ci va se dégager clairement des paragraphes de la synthèse réalisée. Une autre maladresse importante consiste à énoncer dès l’introduction l’idée générale de chaque texte : cette opération ne sert qu’à déflorer ceux-ci ! En revanche, il est indispensable, si les ouvrages appartiennent à des époques différentes, de signaler brièvement cette perspective chronologique. Datés du milieu, de la fin du 20ème siècle, et du début du 21ème siècle, les quatre textes du dernier concours s’éclairaient les uns les autres par leur époque de composition. Rapprochés, ils constituaient un débat sur l’évolution technique du monde occidental, et non sur la technique en soi. Leur datation influait donc sur l’enjeu de la synthèse, lequel doit toujours être défini avec la plus grande exactitude et la plus grande précision. Il détermine, en effet, la justesse des points de confrontation qui vont être développés. Un enjeu inadapté ne pourra engendrer qu’une synthèse défectueuse.
La conclusion ne peut être ni un bilan de ce qui vient tout juste d’être dit, elle serait platement répétitive, ni une prise de position personnelle, le candidat devant, du début à la fin, s’effacer derrière les textes. Elle doit mettre en lumière l’intérêt de la confrontation, ce que nous apprend de notre monde le jeu des divergences et des convergences analysées. Cette année, il était intéressant de remarquer que l’ambiguïté morale de la technique posée par le texte de 1956 se trouvait confirmée clairement par les autres textes, partagés entre fureur dénonciatrice et confiance exaltée.
Rappelons que l’omission du nombre de mots utilisés ôte un point au candidat, qu’un dépassement de vingt mots fait chuter la note au dessous de la moyenne. Quelques candidats se permettent de grossières tricheries sur le nombres de mots employés : qu’ils sachent qu’elles seront toujours repérées et qu’elles privent leur copie de toute valeur. Enfin, tous les mots comptent, même abrégés, même élidés. « M. Serres » compte pour deux mots, « c’est-à-dire » pour quatre, les dates notées en chiffres pour un mot.
On constate que les textes sont généralement retranscrits dans les mots propres du candidat, ce qui est une des règles de l’épreuve. Les citations ne sont autorisées que si le syntagme est particulièrement suggestif de l’idée énoncée : ainsi de « l’écologie sociale » évoquée par Félix Guattari. En revanche, les mots clefs du débat doivent être conservés : dans le cas d’une réflexion sur technique et bonheur, il est vain de chercher des substituts, nécessairement imparfaits, à ces deux termes fondamentaux.
Nous publions une bonne copie pour aider les futurs candidats à se représenter l’épreuve de synthèse à laquelle ils seront confrontés. Elle n’est pas exempte de maladresses de détail, mais elle possède les qualités de clarté, de rigueur et de précision qui la rendent aisée et agréable à lire.
Il est demandé aux candidats de présenter la synthèse des quatre textes proposés, c’est-à-dire de dégager avec netteté les convergences et les divergences entre les opinions qui y sont émises.
Les textes, de longueur moyenne (une à deux pages), peuvent appartenir à des époques variées.
La synthèse ne doit pas dépasser quatre cents mots.
Elle manifeste les qualités de rigueur du candidat en s’appuyant sur un plan clair et logique, qui permet d’envisager tous les aspects du débat.
L’enjeu précis de celui ci est éclairé par une brève introduction qui, en outre, nomme les auteurs et désigne leurs époques respectives. La conclusion souligne l’intérêt des rapprochements effectués.
Le candidat est tenu de retranscrire dans ses propres mots les idées dégagées. Seules quelques brèves citations sont autorisées, à la condition qu’elles soient notées entre guillemets.
La correction et la qualité d’expression entrent pour une part importante dans l’évaluation de la copie.
Le nombre de mots utilisés est obligatoirement indiqué au terme de la synthèse.
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