891 candidats – sur 995 inscrits au cours – se sont présentés à l'épreuve de français-synthèse. Il n'y a pas eu de copies blanche.
Les candidats étaient invités cette année à réfléchir sur un sujet on ne peut plus actuel : la mondialisation. Le premier texte du dossier proposé – extrait d'un long article de Maurice Allais prix Nobel d'économie, publié en 1998 dans la Revue des Sciences morales et politiques, sous le titre « L'Union européenne, la mondialisation et le chômage » – repoussait les arguments favorables à la mondialisation en soulignant les risques qu'elle ferait courir à l'humanité ; le second, paru dans Le Figaro du 8 février 2000 sous la signature du publiciste Guy Sorman, célébrait au contraire cette même mondialisation avec plus de lyrisme que de rigueur scientifique. Dans le troisième de ces textes, publié dans Le Monde du 10 octobre 2000 – « Pour une mondialisation économique et sociale équilibrée » –, Paul A. Laudicina, directeur du Global Business Policy Council, s'attardait à son tour sur les avantages de la mondialisation mais en reconnaissant qu'elle n'était pas « que bénéfique pour la société ». Enfin, dans « Peut-on réguler la mondialisation ? » (Le Figaro du 17 mai 2001), André Fourçans considérait lui aussi comme « exagérées et caricaturales » les critiques des adversaires de la mondialisation non sans s'interroger malgré tout sur la possibilité d'atténuer les inconvénients du système par l'élaboration de « normes sociales et environnementales » communes à tous les pays.
Comparés à ceux des années précédentes, les résultats ont été quelque peu décevants. L'échelle des notes de 1 à 16 et non 19 comme en 2001. 603 candidats – soit près de 70 % – ont obtenu une note inférieure à 10 et 306 candidats – soit plus d'un tiers – une note inférieure à 7. La moyenne générale est de 8,06 contre 8,25 l'an dernier.
Certes il y a toujours, comme nous le remarquions déjà dans les rapports 2000 et 2001, des candidats qui ont bien assimilé les règles essentielles de l'exercice : nécessité de définir clairement en introduction le thème fédérateur du dossier proposé, de construire un plan qui permette un examen synthétique des textes, de souligner en conclusion l'intérêt particulier du sujet offert à la réflexion. Mais beaucoup d'autres sont encore loin du compte avec des introductions qui se bornent à rappeler les titres des documents proposés sans le moindre souci de les ordonner chronologiquement, de les caractériser et de les réunir, des plans factices qui ne font que reprendre la succession des textes en le déguisant plus ou moins habilement, des transitions qui n'établissent aucune logique véritable et pour finir des conclusions qui ne sont souvent que la formulation d'un vague jugement moral quand elles ne sont pas complètement inexistantes.
La compréhension des textes a aussi souvent laissé à désirer : il est par exemple arrivé qu'on croit Maurice Allais partisan de la mondialisation avec pour seule réserve qu'elle ne profite qu'à une petite minorité et même qu'on lui prête l'idée qu'elle était une conséquence du chômage ; on a parfois aussi cru déceler chez lui une contradiction entre son opposition résolue à la mondialisation et ses propositions pour mettre en uvre un système de préférence communautaire dans l'union européenne ; on n'a pas toujour vu qu Guy Sorman évoquant une possible uniformisation de l'humanité ne faisait que rapporter là les arguments des anti-mondialistes pour les repousser aussitôt et célébrer au contraire les bienfaits du métissage culturel de même qu'on n'a pas toujours bien compris non plus la théorie des « avantages comparatifs » avancée par André Fourçans pour montrer la complexité d'une éventuelle régulation de la mondialisation.
Il est possible que les candidats aient eu plus de difficulté devant des textes journalistiques qui touchent de près à des réalités prêtant à polémique que devant des écrits à caractère plus philosophique ou moral dus à des auteurs déjà abordés au cours de leurs études secondaires comme Montaigne, Voltaire ou Victor Hugo. Mais cet exercice qui exige beaucoup d'esprit critique n'est pas justement mieux susceptible de révéler les qualités de jugement qu'on est en droit d'attendre de jeunes gens appelés à assumer d'importantes responsabilités ?
Le jury a par ailleurs été très préoccupé – comme déjà l'an dernier – par le nombre de candidats (151 sur 891, soit la même proportion – un peu plus de 15 % – qu'au concours 2001) qui négligent systématiquement toute référence aux auteurs. Répétons ici ce que nous avons déjà dit dans le précédent rapport : on ne peut pas se contenter de désigner les textes par leur numéro d'ordre dans le dossier – le texte 1, le texte 2, etc... – ; on ne peut pas procéder comme on pourrait éventuellement le faire pour une note de synthèse portant sur des textes administratifs, c'est-à-dire en faisant comme si l'identité et la singularité de chaque auteur n'avait aucune importance. Rappelons une fois encore que le candidat n'est nullement invité à « mixer » les textes pour produire une sorte d'opinion moyenne qui pourrait être celle de tout le monde mais qu'il lui est, au contraire, demandé de confronter les observations, les idées, les points de vue personnels de tel et tel écrivain, de les rapporter ou de les opposer, de les présenter enfin de façon cohérente et ordonnée, sans jamais oublier que ces observations, ces idées, ces points de vue sont chaque fois l'expression d'une pensée particulière, formulée à tel moment et dans telles circonstances. Le jury déplore d'autant plus cette erreur méthodologique qu'elle pénalise gravement certains candidats qui montrent par ailleurs toutes les qualités nécessaires – de compréhension et de rédaction – pour réussir parfaitement ce type d 'exercice.
Pour le reste, le jury ne peut que recommander aux candidats comme il le fait toujours de lire attentivement le sujet avant de se lancer dans la rédaction du devoir. Malgré les modification apportées cette année dans le libellé dudit sujet afin de le rendre encore plus limpide s'il était possible, il y a encore eu un candidat – un seul il est vrai – qui a produit quatre notes de synthèse de 400 mots chacune : une pour chaque texte ! comme si une synthèse n'exigeait pas par définition de réunir plusieurs textes !
Le libellé du sujet précise aussi clairement que le nombre de mots employés doit figurer sur la copie. Il est vrai que sur ce point le jury a pu se réjouir puisque 12 candidats seulement l'ont oublié cette année ; quelques autres ont encore dépassé le nombre de mots autorisés. Les règles de correction adoptées et formulées de rapport en rapport sont ici très strictes : au-delà de 420, une copie ne pourra obtenir plus de 7 / 20, et au-delà de 500 mots, plus de 2 / 20. Précisons aussi que le candidat ne doit utiliser dans le décompte des mots aucune fantaisie graphique assimilable à un signe distinctif, ni faire aucun commentaire sur la manière dont il a procédé pour effectuer le décompte.
Le jury se doit encore de signaler de multiples négligences de forme : l'introduction, les différents paragraphes, la conclusion doivent être mis en évidence par des alinéas la ponctuation ne peut pas être placée n'importe comment, les virgules en début de ligne par exemple les signes de ponctuation n'o'nt pas tous la même valeur et on ne peut pas utiliser indifféremment la virgule et le point-virgule ; les mots en fin de ligne doivent être coupés, s'il est besoin, entre les syllabes, non après une apostrophe par exemple ; les titres s'ouvrages, les noms de revues ou de journaux doivent être soulignés pour signaler qu'ils seraient en caractère italique dans un document imprimés ; les titres d'articles doivent être placés entre guillemets ; les auteurs ne peuvent pas être désignés par leur simple prénom – Guy, Maurice, André – et il serait souhaitable de ne pas estropier leur nom en faisant de Sorman Norman, Surman ou Morvan, de Laudicina Laudina ou d'Allais Alias ou Allays. Un simple regard un peu attentif sur le sujet qui lui est fourni permettrait au candidat d'éviter beaucoup de ces négligences.
Il est enfin apparu au jury que l'orthographe et la langue étaient de plus en plus rudement malmenées ignorance systématique chez certains des règles de conjugaison et d'accord des participes passés (il permis ; il conclue ; ils ont sus bénéficié ; elles serait réduis ; ils sont ambélient...) ; méconnaissance des marques du singulier et du pluriel des substantifs et adjectifs (désordre sociale ; problèmes intemationals, opinion publie...) ; erreurs sur le genre des mots (une éloge ; de bonne augure...) ; incorrections dans l'emploi des conjonctions de subordination (bien que avec l'indicatif, après que avec le subjonctif...) ; dans le régime des verbes (juger d'utopiques les idées, privilégier de, pallier à) et des adjectifs (adepte à, opposé d'avec...) ; impropriétés (discerner pour distinguer, acclamer pour réclamer, élévation pour manifestation, oppressant pour opprimé...) ; anglicismes (initier pour commencer, réaliser pour comprendre) ; utilisation des derniers néologismes à la mode (dangerosité pour danger, accessibilité pour accès...) ; barbarismes enfin comme équitabilité, délibéraliser, anarchisation, sous-emploiement et autres.
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