L'épreuve de synthèse portait cette année sur un ensemble de quatre textes, signés de Lucien Sève, Robert Debré, Michel Crozier et Pierre Bourdieu, qui traitaient du rapport entre système éducatif et monde social.
Les copies ont, dans l'ensemble, confirmé la bonne tenue de l'épreuve et la qualité des candidats qui s'y présentaient. Les devoirs très faibles (4 ou moins) ont été rares et trahissaient plus souvent un défaut de méthode qu'une réelle indigence.
Il semble en effet que le degré de préparation à l'épreuve soit assez variable certains candidats, à l'évidence bien entraînés, maîtrisent correctement les lois de l'exercice.
D'autres en revanche semblent l'affronter sans grande pratique et sans même avoir pris connaissance des conseils prodigués dans les rapports des deux précédents concours. Les remarques qui suivent ont donc pour objet de rappeler quelques règles élémentaires de l'exercice.
Il est très regrettable qu'un assez grand nombre de candidats s'évertuent à superposer les textes, sans se préoccuper ni de l'identité de leurs auteurs ni de leurs divergences. Faut-il le répéter ? Un exercice de synthèse ne consiste pas à amalgamer tant bien que mal des opinions diverses pour les réduire à un artefact et confondre dans un pseudo-consensus des opinions différentes et parfois opposées. C'était le cas par exemple pour les textes de L. Sève et de R. Debré : le premier contestait la définition de l'intelligence comme « une faculté en soi » et proposait de la redéfinir sur le mode dialectique d'un « rapport entre l'individu et son mode social » le second en revanche, envisageant le développement de l'enfant du point de vue du pédiatre, admettait implicitement, en recourant aux notions de « programme génétique » et d' « hérédité », l'existence a priori de ces facultés « en quantité et qualités déterminées » que contestait L. Sève il était donc maladroit d'essayer de faire coïncider les deux propos sur ce point précis. Une bonne synthèse doit s'attacher à restituer ces divergences, en laissant nommément à chacun des auteurs la responsabilité de son opinion.
Là aussi, il semble qu'il ne soit pas inutile de rappeler que l'exercice de synthèse ne doit pas fondre les différents auteurs dans l'anonyme, mais doit s'attacher au contraire à articuler la singularité des points de vue en identifiant précisément les auteurs, de façon à laisser au lecteur la possibilité de replacer tel propos particulier dans la cohérence globale d'un essai ou d'une œuvre, voire d'apprécier le degré de cohérence telle ou telle prise de position par rapport à ce qu'il connaît delà des opinions de l'auteur ou du débat sur la question traitée.
Il convient également de rappeler qu'une synthèse ne saurait se réduire à la simple juxtaposition de quatre résumés, sans autre forme d'organisation. Le libellé du sujet rappelle au candidat la nécessité de « structurer » son propos et c'est précisément l'une des difficultés de l'exercice que de trouver un fil conducteur permettant une présentation organisée des différents points de vue. Trop de copies se contentent soit de suivre sans le dire l'ordre dans lequel sont présentés les textes, soit de plaquer un plan artificiellement dialectique, quitte à forcer — et donc à trahir — l'un des textes. C'est ainsi que R. Debré en venait, dans certains devoirs, à se préoccuper essentiellement des problèmes scolaires, alors que la notion de « vie scolaire » n'apparaissait que très incidemment à l'avant-dernière phrase de son propos consacré aux relations de l'enfant avec son entourage familial. Et inversement M. Crozier se trouvait, dans plus d'un devoir, contraint malgré lui de s'intéresser aux questions d'éducation, alors que son texte traitait principalement de la place et du rôle de l'élite dans la société.
Au-delà de ces principes de méthode, il faut aussi rappeler que l'exercice exige une attention précise aux textes - sans laquelle on ne peut ni percevoir leur cohérence ni rendre-compte efficacement de leur contenu. Trop de candidats se contentent de résumer approximativement l'idée principale de chaque extrait sans tenir compte ni de la démarche de l'auteur ni des conclusions qu'il en tire. Ainsi, le texte de P. Bourdieu était-il trop souvent réduit au seul constat du décalage entre les « aspirations » et les « chances », alors que ce n'était que le point de départ d'une remise en question de la notion de « démocratisation scolaire » et d'une analyse du « malaise » lié au « déclassement » qui en découle. De même, trop peu de candidats ont perçu, dans le texte de M. Crozier, la distinction entre élite « étroite » et élite « ouverte » et partant le procès fait au fonctionnement de l'élite actuelle en France. Ce manque d'attention aux textes se manifestait d'ailleurs souvent aussi à l'endroit de leur date de publication. Il était pour le moins surprenant de voir certains candidats présenter comme des propos immédiatement contemporains ces extraits d'essais ou d'articles publiés il y a une vingtaine d'années et donc inspirés par une situation notablement antérieure à celle que nous connaissons aujourd'hui. Il convient du reste plus généralement de prendre garde à toute projection explicite ou implicite d'appréciations subjectives en marge des textes. Le libellé du sujet rappelle là aussi que les candidats doivent « faire abstraction de (leur) propre opinion sur le sujet débattu » — et ce, quels que soient les échos éventuels du débat dans l'actualité immédiate.
Les meilleurs candidats (16 et plus) sont donc ceux qui ont su à la fois respecter les règles de l'exercice et saisir, dans leurs nuances et leur qualité propre, les prises de position des quatre auteurs — ce qui exigeait, au-delà du savoir-faire — des qualités d'analyse et de rigueur, ainsi qu'une pratique au moins correcte de l'expression. Certes les copies grossièrement indigentes sur le plan de la langue sont de plus en plus rares et l'on doit s'en réjouir. Mais il demeure regrettable que certains candidats perdent des points faute d'avoir pris le temps de relire leur copie ou d'avoir fait l'effort minimum d'attention à la correction de la langue qui leur aurait permis d'accorder les sujets avec les verbes et les adjectifs avec les noms auxquels ils se rapportent.
Enfin il convient de rappeler que les candidats ne doivent pas outrepasser la limite impérative de quatre cents mots, sauf à se voir sévèrement sanctionnés, et qu'ils sont rigoureusement tenus d'indiquer sur leur copie le nombre de mots utilisés.