CONCOURS 2002
Rapport série PSI


Monsieur MARTINEZ Michel



Le programme de Français pour l'année 2001-2002, difficilement équilibré autour d'une problématique pour le moins indécise, a posé des problèmes à tous les partenaires concernés : professeurs chargés de la préparation de l'épreuve, candidats controntés à trois œuvres très éloignées l'une de l'autre, enfin concepteurs de sujets et correcteurs du concours. Le sujet choisi, autant pour le résumé que pour la dissertation, visait donc avant tout à limiter ces difficultés pour tous les candidats, mais également à permettre de nettement valoriser les bonnes copies.


RÉSUMÉ

Le choix, pour la première fois, d'un texte à dominante franchement « philosophique  » se proposait d'abord de s'appuyer directement sur Aristote (texte bien connu des candidats), en évitant par la même occasion les problèmes rencontrés presque toujours, dans les années passées, pour résumer des textes littéraires. Ici, en effet, le manque de densité stylistique favorisait l'allègement du passage autour des idées essentielles. D'autre part, la reformulation du vocabulaire philosophique était absolument indispensable, et la structure logique nettement visible entre les deux paragraphes (ressemblances entre les conceptions de l'amitié chez Aristote et Epicure, puis différences) : les candidats devaient donc pouvoir retrouver assez vite la cohérence du texte, et ainsi comprendre le sens de l'analyse menée par Jean-Claude Fraisse.

Il faut souligner que les correcteurs semblent en très grande majorité, même si deux ou trois d'entre eux regrettent le côté «, trop abstrait » ou « trop philosophique » du sujet, s'accommoder de ce texte non littéraire, qui contenait quelques pièges simples à éviter pour des lecteurs attentifs : une opposition initiale à ne pas manquer puisque certaines copies ne savent pas où placer Platon par rapport à Aristote et à Epicure, ce qui n'est pas sans conséquence pour le sens même du texte ; et des liens logiques d'enchaînement et d'opposition qui ne pouvaient se satisfaire d'approximations ou du simple « copier-coller » qu'affectionnent nombre de candidats pour brouiller les pistes dans les passages qui leur paraissent obscurs. Le résumé, cette année, n'a d'ailleurs pas donné de mauvais résultats, certains correcteurs se montrant même résolument optimistes, en constatant que d'année en année les difficultés, dans l'ensemble, semblaient moins voyantes pour la mise en œuvre de cet exercice. Il est cependant conseillé à de nombreux candidats de ne pas croire (je cite) « qu'un enseignant de Français est incapable de compter au moins jusqu'à cent cinquante », et donc d'afficher un total de mots résolument fantaisiste, puisque les pénalités prévues sont appliquées en totalité lorsque la tricherie est manifeste.

La grille de correction n'est pas remise en cause, sauf par un correcteur qui propose d'équilibrer les totaux (3 et 3) pour chacune des deux rubriques (idées essentielles et enchaînement ordonné et pertinent).


QUESTIONS

Les deux questions voulaient aider à la compréhension du texte à résumer, et donc guider le regard du candidat vers des aspects importants ou intéressants dans la comparaison entre les deux conceptions de l'amitié. Mais les réponses à la première question ont été le plus souvent faibles ou partielles, puisque l'importance de la « stabilité » dans la notion même de jouissance est trop rarement prise en compte, sauf bien sûr dans quelques reformulations involontairement comiques ! Les réponses à la deuxième question, pour leur part, ont été plus satisfaisantes, surtout en ce qui concerne les différences entre Aristote et Epicure.

Rappelons, une fois encore (c'était d'ailleurs clairement indiqué dans le sujet) que la réponse à ces questions doit être brève et synthétique, sans que l'on se croit obligé de recopier là encore des pans entiers du texte pour cacher ses incertitudes : certains candidats perdent ainsi beaucoup de temps et d'énergie (quelques réponses dépassent deux pages !) sans gagner le moindre point, tandis que d'autres n'essayent même pas (par manque de temps ?) d'esquisser la moindre amorce de réponse.


DISSERTATION

Quelques correcteurs regrettent que le sujet soit une invitation à « illustrer » un sujet, selon leur expression, plus qu'à le juger ou à le critiquer. Rappelons cependant qu'un sujet de dissertation, quel qu'il soit (et même si cette année il se voulait plus large que d'habitude sur une problématique moins facile à cerner), invite tous les candidats à une argumentation précise fondée sur une lecture personnelle des œuvres. C'est sans doute dans ce manque de contact individuel avec les textes au programme que réside, une fois encore, la faiblesse, essentielle de l'exercice dans la plupart des copies. Beaucoup de candidats, en effet, donnent l'impression de n'avoir pas lu vraiment les trois œuvres, le crayon en main, ce qui constitue tout de même la condition absolument nécessaire pour pouvoir en parler.

Nous renvoyons, une fois encore, les candidats qui en éprouveraient le besoin aux manuels les plus simples sur la dissertation, en particulier dans son introduction (de nombreuses copies ne reprennent même pas le sujet), dans son organisation générale (même si le plan «  par œuvres » fait moins de ravages qu'il y a trois ou quatre ans), dans l'utilisation d'exemples précis tirés du programme ou d'autres oeuvres littéraires. Cette année, la maladie la plus répandue consistait à utiliser l'Ethique de Nicomaque comme grille de lecture pour les trois œuvres au programme, ce qui aboutissait le plus souvent à des platitudes ou à des absurdités, même dans des copies de bon niveau. Comment ignorer ou passer sous silence, en effet, les différences génériques, les différences dans les projets d'écriture ou dans la visée principale dans chacun des trois textes, et comment rendre compte de leur cohérence ou de leur originalité sans une contextualisation précise ?

Les Faux-Monnayeurs et En attendant Godot posaient ainsi un vrai problème par la définition même de l'amitié. L'immense majorité des copies semble en effet ignorer l'omniprésence de l'homosexualité dans le roman de Gide, ce qui fausse toute l'analyse puisque l'on colle une seule étiquette sur tous les rapports amoureux et sociaux, quels qu'ils soient. D'autre part, il semblait bien difficile de parler d'amitié réelle dans la pièce de Beckett, ce qui n'a pas empêché nombre de candidats de transformer Vladimir et Estragon en symboles de « l'amitié vertueuse » définie par Aristote, quand on ne faisait pas d'eux de véritables héros porteurs de valeurs, celles de la fraternité humaine, du courage ou de l'amitié désintéressée.

La grille actuelle semble convenir, là encore, à la grande majorité des correcteurs, et ne fait l'objet que de critiques très ponctuelles.

En conclusion, un sujet très atypique pour le texte à résumer, très classique pour le sujet de dissertation, et une cuvée 2001-2002 qui ne semble pas avoir souffert d'avoir à réfléchir sur des œuvres assez mal assorties. L'année prochaine, nous retrouvons une problématique infiniment plus solide, et il faut souhaiter que les légers progrès enregistrés (dans la technique du résumé et dans la raréfaction relative du « plan par œuvres  ») vont se confirmer à moyen et à long terme.

La moyenne de l'épreuve est de 8,92 ; l'écart type de 2,79.