Concours 2002

ÉPREUVE COMMUNE

FILIÈRES MP – PC – PSI – TSI – TPC



L'usage de toute machine est interdit.
Il sera tenu compte de la présentation générale et de la correction de la langue.

NB : Le candidat attachera la plus grande importance à la clarté, à la précision et à la concision de la rédaction.
Si un candidat est amené à repérer ce qui peut lui sembler être une erreur d'énoncé, il le signalera sur sa copie et devra poursuivre sa composition en expliquant les raisons des initiatives qu'il a été amené à prendre.

Le texte ci-dessous permet de répondre aux questions.
De même, la connaissance des œuvres au programme permet de traiter la dissertation.




Epicure refuse en fait toute confusion entre l'amitié et l'amour, entendu sous son aspect passionnel, alors que Platon jouait sur les virtualités de la mania, du délire. Il semble par là beaucoup plus proche d'Aristote. Chez l'un et chez l'autre, la valeur de l'amitié est corrélative de son association avec ce qui a valeur suprême, que ce soit le plaisir ou le bonheur.

Chez l'un et chez l'autre, on assiste à un dépassement du pragmatisme, qui sublime la notion d'utilité, plus qu'il ne la rejette. Chez l'un comme chez l'autre, l'amitié est ce qui accroît n'importe quel plaisir, mais ce qui trouve surtout la condition de son propre achèvement dans l'activité philosophique. Dans ce cas, elle rend l'homme capable d'une perfection qui en fait, sinon l'égal, du moins l'être le plus apparenté aux immortels. Pour Epicure comme pour Aristote enfin, il s'agit, par l'amitié, non de découvrir un plaisir nouveau, mais de rendre tout plaisir plus vrai qu'il ne l'est dans la solitude : de même que chez Aristote, le partage d'une activité la rend plus agréable et en facilite l'exercice, de même, chez Epicure, la présence d'un ami contribue à rendre notre jouissance plus pure et plus intemporelle. L'homme a moins à apprendre de l'amitié que son bien est au-dessus de lui qu'à prendre conscience qu'il l'a à son propre niveau, dans ce que lui fait éprouver sa conscience et ce que lui confirme l'échange avec ses semblables. L'amitié joue sur la contribution qu'autrui apporte au plaisir sans faire appel pour autant à la commotion du désir. Elle s'inscrit dans l'image de la sérénité possédée et non dans celle de la conquête d'un idéal entrevu et espéré.

Cette commune opposition à l'atmosphère et aux fondements de l'érôs platonicien n'exclut pas cependant d'importantes différences, tenant sans doute à l'opposition qui existe entre la complexité de la psychologie aristotélicienne et la volonté de simplicité dans l'explication, qui est celle d'Epicure. Il existe, selon Aristote, une hiérarchie des activités dont l'homme est capable, liée à une hiérarchie de ses différentes fonctions, et, si toute activité réussie est couronnée de plaisir, seule l'activité théorétique (1), expression de la raison, peut nous donner le bonheur. C'est donc en elle que l'amitié trouve son achèvement. Il n'y a pas une hiérarchie semblable, et encore moins une rupture, selon Epicure, et si la réflexion philosophique ou la connaissance de la nature comptent parmi les activités auxquelles se complaisent le plus les amis, c'est qu'elles impliquent la jouissance de l'existence la plus stable. Une hiérarchie des plaisirs ne se conçoit en effet, si c'est le plaisir qui est la valeur la plus haute, que si l'on se demande lesquels sont le plus totalement plaisirs, en même temps que les plus nécessairement liés à la vie elle-même. Il n'y aura donc pas d'amitiés différentes en valeur selon les principes qui les animeraient ; l'amitié n'est bonne que par l'achèvement ou la contribution qu'elle apporte à l'obtention d'un plaisir de cette nature. De même que nous n'aurions rien à reprocher aux plaisirs des débauchés si ceux-ci pouvaient trouver la solidité, la stabilité d'une pure jouissance présente à elle-même, nous n'aurions rien à reprocher aux amitiés les plus communes si elles conféraient leur achèvement à des plaisirs très vulgaires. Bien plus, on peut penser qu'elles vont dans le sens d'un tel achèvement, et qu'inversement, l'amitié des sages fait une place à de tels plaisirs. Elle préside aux plaisirs de la table, par exemple, autant qu'à celui des débats philosophiques, et les communautés épicuriennes ne sont pas moins célèbres pour la minutie qui réglait le détail de leur existence quotidienne que pour le respect qu'elles exigeaient envers leur fondateur et la compréhension, qu'elles se donnaient comme fin, de sa pensée.

Jean-Claude FRAISSE,Philia, la notion d'amitié dans la philosophie antique,,
p. 313-315



RÉSUMÉ DE TEXTE

(6 POINTS)

Vous résumerez le texte suivant en 100 mots (± 10%), en ne vous attachant qu'aux grands mouvements de la pensée.

Vous indiquerez, en tête de votre copie, le nombre de mots utilisés.




QUESTIONS

(2 POINTS)

1/ " la jouissance de l'existence la plus stable " ; "  la stabilité d'une pure jouissance " : quel est, selon vous, le rapport indiqué par le texte entre les deux notions de stabilité et de jouissance ?
Vous formulerez brièvement votre réponse.

2/ Quelle est la ressemblance la plus importante et la différence la plus visible, selon J.C. Fraisse, entre la conception de l'amitié chez Aristote et chez Epicure ? Vous formulerez votre réponse en quelques lignes.



Comme il vous est indiqué dans la notice du concours, " la dissertation peut porter sur une, deux ou trois œuvres au programme ".
Il ne vous est pas interdit d'utiliser aussi vos lectures personnelles.



DISSERTATION

(12 POINTS)

"  Il n'y aura donc pas d'amitiés différentes en valeur selon les principes qui les animeraient ".
Y a-t-il, dans le programme de cette année, une (ou plusieurs) œuvre(s) qui puisse illustrer, selon vous, cette notion " d'amitiés différentes en valeur " ?



Fin de l'énoncé.