Le texte de Milan Kundera proposé cette année comme point de départ pour l'exercice de résumé était un très beau texte de critique littéraire, à la fois dense et original. Il présentait donc des difficultés par ses qualités mêmes, et les candidats ont éprouvé souvent bien des problèmes pour reformuler sans copier, ou bien pour faire le tri entre les idées essentielles et les exemples qu'il convenait de supprimer ou de mentionner à peine. Seuls ceux qui ont véritablement compris l'argumentation mise en uvre ont pu ainsi véritablement écrire, un résumé clair et équilibré.
Un exemple suffira pour illustrer ce refus ou cette impossibilité de faire des choix nets dans cette reformulation constante sans laquelle il n'y a pas de résumé possible. Il concerne le mot agélaste (souvent mal retranscrit, par exemple sous la forme alégaste), que beaucoup de candidats gardent tel quel dans leur résumé, ce qui montre bien, qu'ils copient plus qu'ils ne résument, et même qu'ils copient sans vraiment comprendre. Et pourtant, malgré sa densité, le texte de Kundera permettait de mettre en évidence les idées fortes (l'opposition entre l'essai et le roman, la faiblesse de l'homme et la nécessité du doute, l'humour comme centre du genre romanesque) et de mettre tout le reste en arrière plan, ce qui amenait assez vite à un résumé de longueur correcte.
Les travaux de très bon niveau sont donc cette année relativement rares, et beaucoup de résumés restent de niveau moyen ou médiocre, à cause de cette tendance à faire du couper-coller sans véritable lecture préalable du sens.
Les deux questions posées cette année (sur " la sagesse du roman " et sur " le paradis imaginaire des individus ") étaient très intéressantes, justement parce qu'elles allaient vers la signification profonde de la page à résumer. Là encore, de nombreuses réponses, souvent trop générales et trop longues, montrent tout simplement que le texte de Kundera n'a pas été compris : la deuxième question, en particulier, a donné lieu à beaucoup de paraphrase, ou même à la reprise de paragraphes entiers simplement recopiés.
L'exercice de la dissertation, ces dernières années, a donné lieu à des retranscriptions de plus en plus automatiques de corrigés appris par cur sur des sujets généraux, ce qui enlevait pratiquement tout intérêt à l'épreuve. Le sujet de cette année était en conséquence bien choisi pour limiter ces développements préfabriqués (désormais sanctionnés très lourdement), tout en restant bien dans le champ de " savoir et ignorer ". Cependant, les incertitudes dans l'organisation même de la dissertation sont encore très nombreuses, et il ne serait donc pas inutile que tous les candidats relisent un manuel sur la dissertation littéraire, parmi tous ceux qui sont actuellement disponibles en librairie. D'autre part, un lot assez important de copies présente, comme chaque année, des faiblesses si graves en orthographe et en syntaxe que tout l'exercice de la dissertation s'en trouve alors disqualifié. Mais il convient malgré tout de signaler le recul (encore trop timide) de ces séries de copies presque semblables, qui ne déroulaient que des développements appris par cur, et l'on peut également saluer la baisse spectaculaire des " plans par uvres, avec une partie consacrée à chaque uvre inscrite au programme.
Malgré ces progrès sur deux points importants, il faut sans doute insister au moins sur deux faiblesses qui restent préoccupantes dans un grand nombre de copies : en premier lieu, les textes ne sont pas suffisamment connus par la majorité des candidats, puisque les correcteurs ont souvent l'impression (ou la certitude) que les trois livres n'ont même pas été lus ; d'autre part, il s'agit avant tout de convaincre le lecteur-correcteur, en développant une réponse précise, à travers une argumentation personnelle. Sur ces derniers points, il reste encore beaucoup de travail à faire pour que les candidats donnent vraiment leur avis de lecteur, appuyé sur une argumentation précise, pour répondre véritablement au jugement qui leur est soumis.
En résumé, un très bon millésime pour le sujet, et des signes encourageants dans les dérives traditionnelles de l'épreuve. Il reste à espérer que cet effort pour échapper au psittacisme et à la mémorisation mécanique sera poursuivi dans les prochaines années.
La moyenne de l'épreuve est de 8,61 ; l'écart type de 2,86.