Le thème " Expériences du présent " et les uvres au programme Bergson, La Pensée et le mouvant, Camus, Noces, Giono, Les Grands chemins donnaient cette année une orientation plus nettement philosophique à l'épreuve de Français, ce qui ne manque pas d'intérêt, s'accorde avec l'esprit général du concours et avec ses exigences en matière de réflexion, de qualité de la pensée des candidats. La composition des uvres - deux uvres littéraires et une oeuvre philosophique - n'a pas rendu aisée leur mise en perspective. La conférence de Bergson est un exercice de pure philosophie, tandis que les uvres de Giono et de Camus ont certes à voir avec la philosophie, mais avec une philosophie diluée dans de l'écriture de fiction. La nécessité de mettre vis-à-vis des textes de densité différente a conduit presque immanquablement les candidats à leur appliquer des traitements inégaux. Dans les copies le texte de Bergson occupe une position dominante, il est en quelque sorte " bon à penser " tandis que les textes de Camus et de Giono sont seulement " bons à illustrer ".
Le texte de Georges Poulet ne présentait aucune difficulté de compréhension et les candidats en ont correctement rendu compte, même s'il leur a été difficile de formuler à leur manière des expressions contenant les termes " moment, instant, éternité, espace, durée " sans tomber dans des périphrases alambiquées ou inexactes. Certains mots sont incontournables et peuvent/doivent être utilisés dans le résumé. Beaucoup de candidats ont cependant négligé le rapport raison ou intellect / sensibilité ou affect, sur l'équilibre duquel se construit le bonheur. Peu de candidats ont également saisi que G. Poulet exposait d'emblée la perception du bonheur selon Stendhal, et non la sienne.
On insistera encore et encore sur le fait que le résumé est aussi un exercice de communication et qu'à ce titre il doit obéir à certains critères : lisibilité, clarté, structuration de la pensée, précision du vocabulaire, maîtrise de la ponctuation et de l'orthographe. Or la lisibilité suppose une présentation agréable, aérée, avec des paragraphes distincts (utilisation des alinéas) reliés entre eux par des articulateurs logiques. Cette visualisation de la structure du résumé permet au correcteur de voir immédiatement si le mouvement du texte a été bien restitué.
Deux questions de compréhension seulement cette année, l'utilité et la pertinence des questions de culture générale ayant été discutées par les présidents de jury de français des concours communs.
La première question a doublement pénalisé les candidats qui n'avaient pas bien saisi le début du texte (ligne 1 à 6), à la fois pour la réponse à la question et pour le résumé.
La deuxième question a donné lieu à de (trop) longs développements sur l'uvre de Stendhal, sans s'attacher véritablement à ce qu'écrit G. Poulet en tant que critique. Certains candidats ont judicieusement souligné d'ailleurs que l'ambition de Julien et le genre du roman d'apprentissage supposaient une certaine continuité temporelle et interdisaient donc de se borner à dire que les personnages de Stendhal ne vivent que des moments successifs.
Il est rappelé aux candidats que la réponse aux questions ne doit pas donner lieu à des développements démesurés comme c'est parfois le cas, ni à des réponses en style télégraphique. On veillera donc de nouveau à imposer des limites clairement définies.
Le sujet n'a été vraiment compris que par une minorité de candidats. Les termes essentiels n'en sont pas explicités, aucune véritable problématique n'apparaît dans l'introduction souvent très maladroite et artificielle. La plupart des candidats se contentent de dévier volontairement sur des sujets déjà traités permettant de replacer des pages entières de cours plus ou moins bien assimilés ou encore de plagier plus ou moins habilement les nombreux " topos " figurant dans les ouvrages critiques à l'adresse des élèves de classes préparatoires ; on ne peut leur reprocher de lire ces ouvrages mais on regrette de lire des développements plaqués, les mêmes citations (le nombre de citations ne garantit pas la pertinence de celles-ci ou une véritable connaissance des uvres), les mêmes truismes et les mêmes références à propos du thème du temps sans beaucoup de considération pour le sujet lui-même. Si l'on peut saluer des références littéraires et philosophiques très variées, Horace, Epicure, Pindare, Montaigne, Pascal, Schopenhauer, Sartre, Primo Levi..., qui témoignent de la richesse des enseignements reçus, ces références ne doivent pas masquer les uvres au programme qui toutes trois doivent apparaître dans le développement, non pas successivement mais à l'appui de l'argumentation développée.
Il faut travailler la compréhension du sujet, la technique de l'argumentation et du plan ; trop de devoirs présentent des parties juxtaposées, sans progression de la pensée, sans originalité. La qualité de l'écriture demeure aussi, hélas, une exception.
L'épreuve de dissertation et de français dans sa globalité n'est pas sans difficulté, mais elle n'en est pas moins accessible. Elle exige des candidats une réelle lecture des uvres, un travail soutenu de préparation, un effort de réflexion personnelle ; or, trop peu de candidats prennent le risque et la responsabilité de cette réflexion personnelle en liaison avec leurs connaissances, leur expérience, leur sensibilité. L'épreuve de français fait appel à la rigueur et à la probité intellectuelle de futurs ingénieurs qui doivent faire une place, dans leur formation, à la " vie avec la pensée ", puisque c'est " la pensée de la vie ".
La moyenne de l'épreuve de français est de 8,30 avec un écart type de 2,82.