Dans la salle de préparation, un texte littéraire du 20e ou du 21e
siècle est soumis au / à la candidat(e). Tous les genres littéraires sont concernés. Ainsi,
il pourra s'agir d'un poème, d'un extrait de roman ou de pièce de théâtre ou d'un texte
d'idées (voir liste des écrivains ci-dessous). L'auteur, le titre de l'uvre et la date de
publication sont précisés. Deux dictionnaires (noms communs & noms propres) sont à la disposition
du / de la candidat(e). À lui, à elle de savoir tirer le meilleur parti de la notice biographique,
et des éclaircissements d'ordre lexical, historique ou autre que ces deux outils peuvent
apporter.
Le passage se déroule en cinq étapes (l'ordre des deux premières est au gré du candidat) :
Nombre de candidats interrogés : 293
Note maximale obtenue : 19/20
Note minimale obtenue : 01/20
Moyenne : 9,74/20
Remarque générale :
Trop de candidats encore se présentent à l'épreuve de français sans en connaître les modalités,
et confondent analyse et commentaire, ce qui appauvrit considérablement la prestation.
Faut-il donc lire le rapport pour apprendre qu'il faut lire le rapport ?
En outre, le caractère littéraire de l'épreuve semble déconcerter certains candidats. Mais en
quoi leur formation scientifique et la carrière à laquelle ils se destinent les
dispenseraient-elles de prouver leur aptitude à lire un texte et à rendre compte de cette lecture ?
La lecture :
Ne pas négliger cet exercice. Une lecture intelligente témoigne d'une bonne compréhension du texte et d'une capacité de lire en public. Si le texte est assez court, le lire en entier ; s'il est long, retenir un passage en justifiant son choix. Ne lire que cinq lignes laisse supposer que l'exercice est déprisé. Inversement, la lecture réussie d'une quinzaine de lignes fait tout de suite bonne impression... Veiller en poésie à respecter la métrique. Dialoguer convenablement un texte de théâtre.
La présentation :
Présenter rapidement l'auteur ; faire bon usage des indications fournies par le dictionnaire des noms propres, qui renseigne sur l'auteur mais pas forcément sur le texte. Trois conseils paraissent de bon sens : recopier la notice biographique est absurde ; négliger de se renseigner sur l'uvre de Wagner quand le texte s'y réfère est impardonnable ; réduire Desnos ou Éluard au surréalisme revient à ignorer ce qui dans leur uvre – et peut être dans le texte – précisément s'en distingue.
Situer le passage dans son contexte : par rapport à l'époque, à l'auteur, éventuellement à l'uvre.
Caractériser le type de texte (par ex. argumentatif, descriptif, narratif...)
Dégager l'idée générale à partir de laquelle l'analyse va se dérouler.
L'analyse :
Ce n'est pas un « résumé ». Comment pourrait-on résumer un poème de Prévert ou une scène de Ionesco ?
Trop souvent, l'analyse se réduit à un survol, négligeant des passages entiers et écrasant ainsi l'essentiel. Au contraire, elle doit être précise et complète.
Attention également à la paraphrase, cette insipide régurgitation de textes avalés de travers.
Aucune méthode n'est consacrée. Qu'elle soit structurale ou thématique, l'étude doit relever de choix stratégiques dans la façon d'aborder et de comprendre le texte. Montrer comment celui-ci se construit, s'organise, s'affirme dans sa spécificité, atteste de réelles compétences d'analyse.
Il s'agit notamment de discerner les enjeux du texte (ce que l'auteur voulait démontrer ou pointer) et de montrer l'efficacité des moyens mis en uvre pour y parvenir (registre, rythme, figures de style, procédés d'écriture...)
L'analyse est un exercice neutre, que ne doit contaminer aucun commentaire personnel quel qu'il soit.
Le commentaire :
Il doit se démarquer nettement de l'analyse, par une annonce claire de son objet et du plan adopté, voire de la problématique choisie. Il ne saurait être improvisé. Faute d'une préparation suffisante, les commentaires sont généralement trop succincts, superficiels, voire creux. L'absence de véritable structure montre que l'on ignore où l'on va. Certains commentaires ne font que reprendre maladroitement quelques éléments de la conclusion de l'analyse et ne cherchent nullement à dégager une véritable problématique, voire tout simplement à intéresser le jury. Ajoutons qu'il n'est pas toujours souhaitable ni même possible de provoquer le débat, fût-ce pour marquer son approbation. Tel candidat qui confesse « n'avoir pas trouvé de polémique » dans un poème de Supervielle fait étalage de naïveté. Tel autre qui se déclare « d'accord avec Robert Antelme » sur son analyse du processus de déshumanisation dans les camps nazis manque de modestie.
Pour bien orienter son commentaire, le candidat doit élaborer une réflexion personnelle à partir d'un élément du texte qui aura attiré son attention. Le choix de cet élément requiert donc du discernement quant à sa pertinence et à sa consistance. Par exemple, à propos d'un texte de Perec imaginant un monde où l'utopie transforme le sport en principe totalitariste, un commentaire se bornant à indiquer que le sport élimine les toxines risque fort d'éliminer le candidat. Rien n'oblige à se référer au thème en vigueur (la paix l'an dernier, mesure et démesure cette année) si le texte proposé ne s'y prête pas ; rien n'empêche non plus un rapprochement pertinent et approprié avec les uvres au programme, pourvu que soit épargnée au jury la récitation d'un développement tout prêt.
On aura soin d'illustrer et d'enrichir son exposé par des références pertinentes d'ordre littéraire ou artistique, voire relevant d'autres disciplines, y compris en dehors des sciences humaines. Ainsi, un exposé sur les limites de la mémoire volontaire a pu convoquer avec bonheur Montaigne, la psychanalyse et la biologie moléculaire.
On évitera les thèmes trop généraux ou rebattus, ou à caractère trop « sociétal », tant ils augmentent le risque de médiocrité. Plutôt que de se demander « s'il faut refuser le changement », ou de traiter des « problèmes des adolescents », s'interroger sur les mutations culturelles dont peut s'accompagner l'adolescence aurait prolongé de manière intéressante l'analyse d'un extrait de La Place, d'Annie Ernaux, et permettait de s'appuyer sur des exemples pris à la littérature et au cinéma.
L'entretien :
Il commence fréquemment par un retour sur les propos du / de la candidat(e), qui est invité(e) à prendre un recul critique par rapport à sa prestation et à améliorer son analyse, en rectifiant d'éventuelles erreurs ou en précisant son propos.
Il s'ouvre ensuite volontiers sur telle question abordée dans le commentaire, envisage telle perspective culturelle (rapprochements avec d'autres uvres) et cherche toujours à approfondir la réflexion. Il dure généralement une dizaine de minutes.
Voici, à titre indicatif, la liste des auteurs proposés à la session 2004 :
Ajar / Alain / Antelme / Apollinaire / Aragon / Barthes / de Beauvoir / Beckett / Ben Jelloun / Brassens / Butor / Calafarte / Camus / Céline / Cendrars / Césaire / Char / Colette / Colin / Desnos / Duras / Eluard / Ernaud / de Gaulle / Gide / Giono / Giraudoux / Green / Guimard / Hyvernaud / Ionesco / Koltès / Leiris / Lévi-Strauss / Malraux / Martin du Gard / Mauriac / Memmi / Michaux / Michon / Pagnol / Péguy / Perec / Ponge / Prévert / Proust / Queneau / Quint / Ravey / Robbe-Grillet / Rolland / Sarraute / Sartre / Senghor / Supervielle / Todorov / Tournier / Tzara / Vailland / Valéry / Vallejo / Vercors / Vernant / Vialatte / Vian / Werth / Yourcenar.
Conclusion :Le tableau des notes fait ressortir l'écart entre des prestations indigentes faute de préparation, et d'autres brillantes, témoignant de hautes qualités et de compétences réelles dans le domaine littéraire. E nous paraît important qu'un candidat se destinant à la carrière d'officier nourrisse sa réflexion de ses lectures, et que la littérature l'aide à mieux cerner les valeurs qui fonderont son existence.