L'oral de Saint-Cyr
Rapport des examinateurs (1999)


Examinateurs : Jean BALCOU et Yves LE PESTIPON

L'impression des examinateurs est assez contrastée. C'est qu'au côté d'excellentes prestations, qui prouvèrent un réel plaisir d'écoute, bien des prestations furent insuffisantes, maladroites. Comme ces dernières sont le plus souvent dues à une mauvaise préparation, on se contentera ici de donner quelques conseils pratiques.

Conditions de l'épreuve :

  1. La préparation dans la salle d'examen.

    1. Cette préparation dure 30 minutes, le candidat à sa disposition un dictionnaire des noms communs et un dictionnaire des noms propres. On ne saurait trop conseiller la consultation intelligente de ce dernier. Ainsi le poème "les fusillés de Châteaubriant", épisode de la Résistance, en eut été éclairé. Devant l'ignorance trop flagrante des grands noms comme ceux de Sartre ou de Malraux, il est également bon de conseiller de se préparer, en cours d'année quelques fiches sommaires.

    2. Les textes proposés se rapportent au XXe siècle. Il peut s'agir de textes dits d'idées (cf. l'article de Cazeneuve sur la fête), mais aussi d'une page de roman (la dernière du Silence de la mer), d'un poème (Aragon), d'une pièce de théâtre (une scène d'Antigone, etc.). On se reportera à la liste des principaux textes proposés reproduite ici.

      Les textes dits d'idées ont toujours une véritable tenue littéraire. Ce qui élimine les textes des journaux, Le Monde inclus.

      Il est clair que "l'analyse" du texte d'idées (du style argumentatif) et d'un texte plus "littéraire" (mais que dire d'un discours de Malraux ?) ne se traite pas forcément de la même manière.

  2. Première étape de l'épreuve (4 minutes environ).

    Elle comprend la présentation de la situation du texte, de l'auteur; du moment, de l'œuvre, du genre. Elle ne doit, en aucun cas, être "expédiée", puisque l'enjeu de l'épreuve y est déjà annoncé, avec la problématique à résoudre.

    Exemple: le poème "Ce cœur qui haïssait la guerre" de R. Desnos, 1975.

    Le dictionnaire permet de préciser le rôle de Desnos avant et pendant la guerre, jusqu'à sa mort dans un camp.

    Ce qui signifie d'abord que 1975 indique une publication posthume (redécouverte de ce poète) ? Mais surtout le titre s'inscrit dans un recueil intitulé Destinée arbitraire : titre suffisamment excitant pour être commenté, et qui annonce le dilemme du pacifiste sommé d'entrer en résistance contre Hitler et ses partisans.

    Cette première étape consiste, dans un deuxième temps, à lire. La lecture est un élément d'appréciation non négligeable.

    Quand il s'agit d'un texte relativement court (un poème), le texte est à lire en entier.

    Quand il s'agit d'un texte long, il n'en faut lire qu'une page: au candidat d'expliquer son choix.

  3. Deuxième étape de l'épreuve (8 minutes environ).

    Il s'agit de l'analyse. C'est-à-dire d'une description du texte aussi objective que possible. Non d'une explication linéaire, ni d'un résumé. Ni non plus d'un impossible compte-rendu exhaustif de tous les aspects du texte.

    On attend que le candide reformule, avec ses mots, l'essentiel de ce qui est dit, qu'il caractérise sa méthode, le genre et le style du texte, qu'il explicite les passages les plus délicats. Il faut éviter toute forme d'éparpillement des champs lexicaux qui fait éclater une structure à moins que le texte s'y prêt, comme tels "fragments" de Barthes, de Perros ou d'Apollinaire...). Que la thématique soit toujours développée méthodiquement, tant l'essentiel consiste à voir d'où l'on part et où l'on aboutit. La progression des idées doit se reconstruire dans cette analyse. Au candidat de prouver qu'il a bien situé et compris le texte proposé. Tout cela en moins d'une dizaine de minutes.

  4. Troisième étape de l'épreuve (8 minutes environ).

    Cette troisième étape suit immédiatement la précédente et elle doit lui être reliée par une transition souple: que l'on s'aperçoive qu'on passe à un autre plan. Rappelons, à cette occasion, que l'analyse ne prenait en compte que le texte même et que le moindre commentaire est de trop. Réservons-le pour cette troisième étape où le candidat doit présenter, à partir du texte, un développement personnel argumenté.

    Il devra donc se soucier, d'abord, de trouver dans le texte un ou plusieurs éléments (mais à homogénéiser) susceptibles de susciter débat. Le jury n'aime pas qu'on lui serve, sans lien explicite avec le texte, des argumentaires tout faits sur des thèmes extrêmement généraux: cette année, Bergson était naturellement en première ligne, à propos de tout et de rien ! Qu'on se garde aussi de se précipiter sur l'actualité la plus brûlante quand cela n'a rien à voir avec le propos. Le jury souhaite, en revanche, que l'on choisisse un aspect très précis du texte et qu'on puisse l'analyser aussi loin que possible. Le candidat, une fois son sujet choisi, devra se soucier de construire très vite un plan argumenté: quelques idées, quelques exemples, un raisonnement. Ce qui doit aller de pair avec l'ouverture d'esprit et la conscience des enjeux. Ainsi tel candidat, ayant affaire à un texte de C. Simon (prix Nobel !) sur un épisode de mai 1940 a su montrer les risques d'inconscience, les conséquences inévitables, les moyens d'y remédier.

    La qualité de l'expression orale, qui fut généralement de bonne tenue, est, dans cette partie de l'épreuve, comme dans les autres, déterminante.

  5. Quatrième étape de l'épreuve (10 minutes environ).

    Pendant les 10 dernières minutes de l'épreuve se déroule un entretien. Il s'agit, par quelques questions, d'amener le candidat à préciser ce qu'il a voulu dire, à corriger quelques erreurs, ou à proposer d'autres perspectives plus riches. Toutes sortes de questions peuvent être posées. Elles ne cherchent pas à "coincer" le candidat, mais à lui donner l'occasion de manifester sa culture (en particulier littéraire et historique), son sens de la répartie, son aptitude au dialogue courtois, sa capacité à défendre une idée ou à la relancer. L'esprit de disponibilité intellectuelle du candidat, son dynamisme, sa bonne humeur sont appréciés.

  6. Conclusion.

    Cette épreuve de Français est une épreuve riche, complexe, qui se prépare et qui peut Se révéler très payante pour les candidats, s'ils ont su montrer quelque aptitude à la pensée. Certains ont pu ainsi obtenir jusqu'à 18 (coefficient 4).

    Cette épreuve cherche à déceler chez le futur officier ces qualités essentielles que sont l'ouverture d'esprit, la volonté d'analyse, la capacité d'initiative et l'excellence du Français. Il n'est pas, en effet, d'homme d'action vraiment adulte qui ne doive être aussi un homme de parole.

Textes proposés :

Anouilh

Antigone.

Apollinaire

Alcools
Poèmes à Lou

Aragon

Le musée Grevin
Le Crève-cœur

Barthes

Mythologies
Fragments d'un discours amoureux
Bruissement de la langue

de Beauvoir

Pour une morale de l'ambiguïté

Bernanos

La liberté, pour quoi faire ?

Cadou

Pleine poitrine

Camus

L'étranger
l'homme révolté
le mythe de Sisyphe

Cazeneuve

La vie dans la société moderne

Céline

Voyage au bout de la nuit

Cibron

Traité de décomposition

Chesnais

Histoire de la violence

Delumeau

Des religions et des hommes

Desnos

Corps et biens

Eluard

Au rendez-vous allemand

De Gaulle

Mémoires

Gracq

Le Roi pêcheur

Hélias

Le cheval d'orgueil

Houellebeq

Les particules élémentaires

Ionesco

Le roi se meurt

Malraux

L'Espoir
Antimémoires

Péguy

L'argont

Perros

Papiers collés

Proust

Le Temps retrouvé

Queneau

Le chien dort

Saint-Exupéry

Terre des hommes

Sollers

Femmes

Soustelle

Les quatre soleils

Tournier

Le Vent paraclet

Valéry

Variétés
le Bilan de l'intelligence

Vercors

Le silence de la mer