L'oral de Saint-Cyr
Rapport des examinateurs (1998)


Il est agréable de signaler que beaucoup des candidats interrogés, en particulier les élèves des lycées militaires, manifestent une grande motivation : Saint-Cyr représente pour eux un horizon visé de longue date et correspondant à une vocation, au sens fort du terme. Leur pugnacité durant l'oral témoigne de cette volonté mûrie, de leur souci de communiquer, en particulier durant l'entretien, leur conviction d'avoir choisi la voie qui leur convient. L'on ne peut que souhaiter aux jeunes gens qui réussiront d'être à la hauteur de leurs ambitions et d'avoir le courage de leurs velléités.

Cette attitude résolue et réfléchie quelles que soient les défaillances de la prestation (car il ne suffit pas toujours de vouloir pour pouvoir !), n'est évidemment pas le fait de tous les candidats. L'on regrette la démotivation évidente de certains, l'absence de préparation à l'épreuve spécifique du concours Saint-Cyr, les lacunes étonnantes de la culture générale, l'inaptitude à communiquer en gardant la bonne distance avec l'examinateur.

Un oral donc très contrasté où l'on voit se succéder des candidats dont chacun possède un profil singulier, même les élèves des lycées militaires, dont le parcours pourrait sembler analogue, présentent d'intéressantes disparités : rien d'uniforme en l'occurrence, ce qui ne peut que stimuler l'intérêt de l'examinateur.

Conditions de l'épreuve :

Pour terminer comme nous l'avons fait pour le rapport 1997, nous présentons ci-dessous un corpus de textes proposés lors de la session 1998, afin que soient mises en évidence l'hétérogénéité des extraits choisis, et la présence volontaire de textes littéraires et non strictement argumentatifs, comme cela peut être le cas pour d'autres concours. Il va de soi que nous n'exigeons pas la qualité d' interprétation que l'on peut attendre de candidats à des concours littéraires (E.N.S., CAPES, agrégation) - même si les plus brillantes prestations ne démériteraient peut-être pas dans d'autres contextes. Les examinateurs veillent à choisir des textes dont la lisibilité, dans la mesure du possible, soit assurée: il n'est pas question de cultiver l'hermétisme et de mettre la barre trop haut, et les passages trop difficiles ne sont pas retenus. Mais les compétences des candidats en matière de compréhension et d'interprétation sont si diverses que les surprises, heureuses ou non, sont fréquentes. Tel candidat commet contre-sens sur contre-sens à propos d'un texte facile d'Alain sur les dangers des examens. Tel autre fait preuve de sensibilité et de finesse dans la lecture d'un poème d'Aragon, "Strophes pour se souvenir" (Le Roman inachevé) qui enchâsse des fragments d'une lettre écrite par le résistant Michel Manouchian à sa femme qui va lui survivre ("Adieu les roses / Adieu la lumière et le vent / Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent / Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses...".), distinguant avec aisance les niveaux d'énonciation et la tonalité pathétique du poème. De même, l'épisode de la descente dans L'Espoir de Malraux a donné lieu à une approche pertinente, mettant en lumière l'arrière plan historique, le jeu des points de vue, le thème de la solidarité face à l'angoisse de la blessure et de la mort.

Les textes explicatifs ou argumentatifs, contrairement à ce que l'on pourrait attendre d'élèves ayant pratiqué depuis la classe de seconde au moins l'exercice du résumé et de l'analyse, ne sont pas les mieux traités. La structure logique de l'extrait n'est pas perçue, les étapes du circuit argumentatif non plus; quant à la thèse même lorsqu'elle est formulée avec insistance et redondance de nombreux candidats ont peine à la définir. Le vocabulaire minimal (thèse réfutée, thèse soutenue, connecteurs logiques, types d'arguments, exemples...) n'est pas toujours acquis.

Il faut donc insister sur ce point: les textes officiels n'indiquent qu'une contrainte le choix d'un texte du XXe siècle (ce qui exige des connaissances solides sur l'histoire politique, sociale, économique, culturelle et bien sûr littéraire de ce siècle). A priori, aucun type de texte n'est donc exclu, textes littéraires certes, mais aussi textes ayant des enjeux historiques, politiques, culturels, humains. L'on attend d'un futur officier qu'il puisse réfléchir à des problèmes fondamentaux tel celui du rapport avec les autres, qu'illustraient plusieurs textes du corpus.

Textes proposés :

Jean Anouilh :

Antigone

Guillaume Apollinaire :

Poèmes à Lou

Louis Aragon :

Le Roman inachevé
Le Crève-cœur
La Diane française
Aurélien
Le Musée Grévin

Roland Barthes :

Essais critiques
Mythologies
La Chambre claire

Jean Baudrillard :

La Société de consommation

Simone de Beauvoir :

Mémoires d'une jeune fille rangée

Maurice Blanchot :

Sade et Lautréamont

André Breton :

Manifestes du surréalisme

Michel Butor :

Répertoire II

Albert Camus :

La Peste ; L'Etranger
La Chute
Noces
L'envers et l'endroit
L'Homme révolté
Le Mythe de Sisyphe
Discours de Stockholm

Louis-Ferdinand Céline :

Voyage au bout de la nuit
Mort à crédit

Robert Desnos :

Destinée arbitraire

Patrick Devret :

Huit petites études sur le désir de voir

Paul Eluard :

Au rendez-vous allemand
Le Phénix

André Gide :

Les Faux-monnayeurs

Jean Giraudoux :

La Guerre de Troie n'aura pas lieu

Eugène Ionesco :

Le Roi se meurt

Bertrand de Jouvenel :

Du pouvoir

Jean-Marie Le Clézio :

L'Extase matérielle
La Guerre

Michel Leiris :

L'Age d'homme
Cinq études d'ethnologie

Claude Lévy-Strauss :

Tristes Tropiques

André Malraux :

La Condition humaine
L'Espoir
Antimémoires

Roger Martin du Gard :

Les Thibault
en particulier
L'été 14

Maurois :

Lettre ouverte à un jeune homme

Georges Perec :

Les Choses

Francis Ponge :

Méthodes

Marcel Proust :

A la Recherche du temps perdu
Contre Sainte-Beuve

Jacqueline de Romilly :

L'Enseignement en détresse

Claude Roy :

Défense de la littérature
Permis de séjour
Moi je

Saint-Exupéry :

Pilote de guerre

Danièle Sallenave :

Le Don des morts

Nathalie Sarraute :

L'Ere du soupçon

Jean-Paul Sartre :

La Nausée
Les Mots
Les Mains sales
Les Mouches
Qu'est-que la littérature
Situations II

Michel Tournier :

Vendredi ou les limbes du Pacifique
Le vent Paraclet
Le Vol du vampire

Paul Valéry :

Le Bilan de l'intelligence

Marguerite Yourcenar :

Les Yeux ouverts

Critères d'évaluation

A titre récapitulatif, il peut être utile d'indiquer les éléments sur lesquels se fonde la notation.

  1. Expression :
    • qualité de la lecture du texte (voix audible, débit intonation, correction du déchiffrement...)
    • qualités d'élocution
    • choix d'un niveau de langue adapté
    • aptitude à la communication et à l' échange durant l'entretien
    • gestion du temps de parole

  2. Analyse du texte :
    • compréhension de ses enjeux majeurs
    • prise en compte du style, au sens large (genre et type de texte, tonalité, réseaux lexicaux, modalités d'énonciation figures de rhétorique, etc... )
    • aptitude au commentaire critique (ni résumé sommaire, ni paraphrase).

  3. Exposé :
    • pertinence (par rapport au texte de départ) et intérêt du sujet choisi
    • choix et enchaînement des arguments (présence d'un plan construit, avec introduction et conclusion)
    • présence d'exemples illustrant le propos
    • aptitude à formuler un jugement personnel

  4. Entretien :
    • aptitude au dialogue (maîtrise des règles de la communication, esprit d'improvisation, qualités d'expression)
    • maîtrise des références littéraires et plus largement culturelles (histoire, philosophie, arts...).