249 candidats, dont vingt jeunes filles, ont passé l'épreuve de Français en 1997, contre 268
en 1996 et 186 en 1995.
Les notes obtenues révèlent une grande disparité entre les candidats, puisqu'elles
s'échelonnent de 04 à 19 sur 20. Si certaines prestations ont été fort décevantes, tant
au niveau de la réflexion que de l'expression (le niveau de langue est parfois totalement
inadapté à un oral de concours), il faut signaler la qualité d'un nombre encourageant de
performances (38 candidats ont obtenu une note égale ou supérieure à 13), qui sont le fait
de candidats alliant des connaissances bien maîtrisées, un jugement personnel affiné et une
indéniable aptitude à la communication, évidente lors de l'entretien, et prometteuse quant
aux aptitudes requises pour l'orientation choisie.
Les exigences n'étant pas démesurées, en particulier en ce qui concerne la maîtrise des
outils d'analyse littéraire, les notes médiocres révèlent une préparation insuffisante et
une méconnaissance des enjeux de l'épreuve, tant sur le plan du contenu que de l'expression
orale.
C'est pourquoi il peut être utile, à l'intention des futurs candidats, de rappeler brièvement
en quoi consistent les modalités de l'épreuve et les attentes de l'examinateur.
Un texte du XXe siècle - d'une trentaine de lignes en moyenne - est proposé au candidat qui dispose d'un temps de préparation de trente minutes. Au moment du tirage, chacun se voit préciser les principes de l'épreuve (dont certains ont une très confuse, faute sans doute d'avoir ciblé leurs efforts sur le concours d'entrée à Saint-Cyr).
L'épreuve elle-même se déroule en quatre temps :
lecture totale ou partielle du texte (en fonction des indications de l'examinateur, relatives à la longueur de l'extrait). Celle-ci est trop souvent bâclée, alors qu'une bonne lecture (respect de la lettre du texte, voix audible, ton approprié... ) révèle des qualités d'élocution et des qualités d'aisance dans la prise de parole, tout en constituant par ailleurs déjà une interprétation du texte ;
analyse du texte mettant en relief ses points principaux, c'est-à-dire les thèmes qu'il développe et ses enjeux, en particulier lorsqu'il s'agît d'un texte à visée argumentative, voire polémique. Cette analyse, pour être rigoureuse, doit s'appuyer sur la structure du texte (en précisant les étapes du circuit argumentatif le cas échéant) et prendre en compte les procédés d'écriture les plus récurrents ou les plus significatifs (lexique, figures de rhétorique, etc) ;
discussion plus personnelle portant sur l'ensemble du texte ou sur l'un des enjeux les plus importants de celui-ci ;
entretien avec l'examinateur.
En bref, il s'agit de montrer que l'on a compris le texte et que l'on est capable d'une
réflexion argumentée à partir du support qu'il constitue, tremplin pour l'exercice d'un
jugement personnel. L'examinateur doit pouvoir mesurer non seulement les qualités d'analyse
et de synthèse du candidat face à un texte sur lequel il doit rapidement improviser
(compte-tenu de la brièveté du temps de préparation), mais aussi ses qualités d'expression
et son aptitude à la communication orale, pierre d'achoppement des prestations les moins
réussies, au cours desquelles les questions les plus simples n'obtiennent en réponse qu'un
silence embarrassé ou la reformulation de ce qui a déjà été dit, voire redit. Les attentes
de l'examinateur sont mesurées en matière de connaissances strictement littéraires et
l'ensemble de la culture générale du candidat entre en ligne de compte (sciences, philosophie,
histoire, arts,... ).
Les règles de l'épreuve ne sont guère contraignantes et offrent au candidat la latitude
d'élaborer la méthode d'analyse qui lui semble la mieux appropriée à la nature du texte qui
est soumis à son investigation. Il est évident que l'on ne commente pas de la même manière
un un poème de Louis Aragon tel " Ballade de celui qui chanta dans les supplice " (dont un
candidat sut tirer le meilleur parti dans une analyse fine et intelligente), un dialogue
théâtral fondé sur la confrontation de deux thèses opposées (par exemple, un extrait d'Antigone
d'Anouilh), et un texte ouvertement argumentatif, exposant le parti-pris de l'auteur sur des
problèmes aussi variés que les suivants, proposés à titre d'exemples : la guerre, la mort, la
liberté, l'amour, le bonheur, l'enseignement, le rôle de la culture, la presse, la
photographie, le cinéma, les fonctions de la littérature et le rôle de l'écrivain...
Rappelons que le texte proposé peut avoir une portée philosophique et que l'on est en droit
d'attendre des candidats la capacité d'exercer un jugement critique sur des problèmes
fondamentaux, dont la littérature est fréquemment le terrain de prédilection. Déceler le
type de texte, le genre auquel il appartient, sa tonalité, ses implicites, sa visée, est une
démarche fondamentale qui révèle la disponibilité intellectuelle du candidat, ses facultés
d'adaptation à la singularité du texte, même s'il va de soi que les compétences requises
restent fondamentalement les mêmes : compréhension du texte sans contre-sens, aptitude à
formuler un point de vue personnel argumenté, qualités d'expression (élocution, richesse
et pertinence du vocabulaire, organisation du discours,... ).
Il convient aussi de savoir exploiter le temps mis à disposition (trente minutes). Il est
conseillé de laisser une dizaine de minutes à l'examinateur pour l'entretien final. Dans
beaucoup de cas, les prestations, trop courtes, révèlent le peu de matière dont dispose le
candidat : rester coi au bout de dix, voire cinq minutes, est totalement insuffisant ; C'est
en outre s'exposer à un entretien plus long et plus pointu, qui risque de stigmatiser plus
fortement encore les contre-sens flagrants sur le texte, les insuffisances du raisonnement et
les lacunes culturelles, parfois étonnantes chez des étudiants du niveau Bac + 2.
Une tendance largement partagée par les candidats consiste à considérer le texte proposé comme
un simple prétexte et à glisser rapidement (parfois en moins de cinq minutes dans le pire des
cas) sur l'analyse qui en est demandée, ceci au bénéfice (?) de la seconde partie de l'épreuve
(la discussion " libre "). Celle-ci leur permet - mais seulement à partir du texte et en
fonction des pistes de réflexion qu'il propose -d'élaborer une réflexion plus personnelle.
Or, certains choisissent un point de discussion périphérique, éloigné de la problématique du
texte : solution de facilité qui vise à ramener les enjeux du texte à une question ou une
expérience connue (parfois dénuée d'intérêt, voire totalement anecdotique et relevant des
lieux communs les plus éculés). Il y a donc un nécessaire équilibre à préserver entre
l'analyse, qui ne saurait se limiter à un simple résumé survolant le texte sans mettre en
relief sa démarche argumentative, et le commentaire ou discussion. Rabattre l'exposé vers
l'écriture de soi et les oeuvres au programme était également une solution de facilité qui ne
se justifiait que dans les cas où le texte proposé se prêtait à un réinvestissement des
connaissances assimilées pendant l'année de préparation. Si tel candidat a su analyser la
spécificité de la démarche autobiographique de Michel Leiris en la comparant aux règles
canoniques du pacte autobiographique, tel autre a utilisé un texte de Sartre sur la
littérature engagée comme alibi maladroit pour un propos convenu sur Les Mots, occultant
la problématique, pourtant transparente, de l'extrait. Certains candidats, obnubilés par
le sacro-saint programme (de cette année ou de l'année dernière), souvent convoqué hors de
propos, donnent l'impression de n'avoir rien retenu de leurs lectures personnelles ou des
oeuvres étudiées dans le secondaire. De nombreux candidats sont incapables de citer un
écrivain du siècle des Lumières et ne disposent que de repères historiques hasardeux, en
particulier en ce qui concerne les mouvements littéraires.
Il convient donc d'envisager l'exposé personnel comme complémentaire de l'analyse du texte
et exigeant des compétences tout aussi rigoureuses. Ce n'est pas un assemblage de remarques
décousues, ni un répertoire de clichés, contrairement à ce que trop d'exemples laisseraient
croire : " La vie réserve des surprises ", " le cinéma est dangereux parce qu'il empêche de
lire ", " à notre époque, on ne communique plus... ". L'examinateur attend un discours
logiquement construit, à partir d'une problématique clairement définie et annoncée, et nourri
par des références et exemples précis et pertinents, mais aussi un jugement personnel, un
engagement intellectuel de la part du candidat, la mise en évidence de ses intérêts et
connaissances, quel qu'en soit le domaine.
Trop de candidats, de fait, disposent d'un mince bagage culturel et semblent avoir oublié ce
qui peut être considéré comme les acquis minimaux des études secondaires, tant en littérature
qu'en philosophie ou en histoire. Tel candidat situe ainsi durant la seconde guerre mondiale
l'histoire narrée dans Voyage au bout de la nuit, tel autre affirme que Malraux dans
La Condition humaine évoque la guerre du Vietnam, sans tenir compte de la date de publication
des romans en question. Les concepts empruntés à la psychanalyse sont souvent mai connus, et
l'on s'étonne de voir des candidats incapables de définir par exemple les notions
d'identification et de sublimation, dans des extraits où la compréhension de leur sens,
même vulgarisé, aurait été la bienvenue.
La prestation du candidat, dans tous les cas (et a fortiori lorsque le temps de parole a
été des plus brefs), est suivie d'un entretien avec l'examinateur, qui constitue une phase
importante de l'épreuve. L'échange, à partir des questions posées, doit permettre de vérifier,
approfondir, voire corriger l'étude du texte et l'exposé personnel. Les meilleurs candidats
sont ceux qui ont su faire preuve d'écoute, de disponibilité, de sens du dialogue, améliorant
ainsi sensiblement leur performance.
Liste non exhaustive des textes proposés :
A titre d'indication et pour guider le travail des enseignants en classes préparatoires, nous proposons ci-dessous un échantillon des ouvrages d'où ont été extraits en 1997 certains des textes proposés. L'on remarquera que les exemples cités ne se limitent pas à un genre et convoquent aussi bien des essais (sur des sujets très divers) que des récits, romanesques ou autobiographiques, des pièces de théâtre, voire des recueils poétiques.
Alain : |
Système des beaux-arts |
Jean Anouilh : |
Antigone |
Louis Aragon : |
La Diane française |
Pierre Bourdieu : |
Les Règles de l'art |
Roger Caillois : |
Les jeux et les hommes |
Albert Camus : |
L'Etranger |
Louis-Ferdinand Céline : |
Voyage au bout de la nuit |
Romain Gary : |
La Promesse de l'aube |
André Gide : |
Si le grain ne meurt |
Jean Giraudoux : |
La Guerre de Troie n'aura pas lieu |
Claude Hagège : |
Le français et les siècles |
François Jacob : |
Le jeu les possibles |
Henri Laborit : |
Biologie et structure |
Michel Leiris : |
L'Age d'homme |
Claude Lévi?Strauss : |
Tristes Tropiques |
André Malraux : |
La Condition humaine |
Roger Martin du Gard : |
Les Thibault |
Georges Perec : |
Les Choses |
Marcel Proust : |
A la recherche du temps perdu |
Jean Rigaud : |
La Culture pour vivre |
Marthe Robert : |
Roman des origines et origines du roman |
Jacqueline de Romilly : |
L'Enseignement en détresse |
Claude Roy : |
Défense de la littérature |
Clément Rosset : |
Le réel et son double |
Saint-Exupéry : |
Citadelle |
Daniel Sallenave : |
Le Don des morts |
Jean-Paul Sartre : |
La Nausée |
Michel Tournier : |
Vendredi ou les limbes du Pacifique |